L’étape en chiffres
32,3 km (pour 31,9 annoncés)
2 762 m de dénivelé (pour 2 910 annoncés)
Étape « difficile » (61,0 équivalent-kilomètres prévus)
Départ 08h05, arrivée 17h39
8h22 de marche effective et 1h12 de pause (temps « topo-guide » 15h10, temps prévu 9h06)
Le journal de l’étape
La nuit a été agitée, un peu à cause du va-et-vient des coureurs dans la pièce d’à côté, mais surtout parce que les lits grinçaient au moindre mouvement. Heureusement que nous n’étions que trois dans une chambre de six !
Je découvre un champ de ruines à l’arrivée dans la salle à manger : les passages incessants de la nuit ont mis de la terre partout, et les pauvres gérants ne savent plus où donner de la tête et commencent eux aussi à voir la fatigue s’accumuler. En revanche, la présence de la course me rend tout heureux sur le menu : croissant, chocolatine, tartines au Nutella, tout y passe, même une grosse assiette de salade de pâtes. Je fais le plein d’énergie moi aussi. Vu ma faim, le GPS ne doit pas avoir tort en m’annonçant que je brûle presque deux fois plus de calories que pendant les jours normaux (sans sport).
Et à 8 heures, l’heure du départ sonne, mais je suis presque triste de quitter l’endroit et la frénésie qui l’accompagnait. D’autant que je sais qu’aujourd’hui, je vais voir la fin de course, et donc des gens beaucoup moins en forme que la veille…
Le démarrage est vraiment très agréable : en forêt, avec l’odeur des pins, et avec quatre cols (de Risoul (1), de l’Esquérus, de Grail (3) et de Lercoul) que j’avale l’un après l’autre en moins de deux. Or qui dit col dit changement de vallon, de versant, de paysage, de végétation. Ce début d’étape est bien varié et passe très vite, agrémenté des coureurs et coureuses éparpillés que je croise ça et là.
Vient la descente vers une autre succession, de petits villages cette fois.
A Lescoul, je tombe sur 3 TransPyrénéens qui sont à l’arrêt en train de prendre des photos. Je note donc qu’ils ne sont pas tous stressés par les barrières horaires !
Ensuite à Siguier (5), je tombe sur une boîte aux lettres d’un supporter du Stade Toulousain… et de son voisin qui supporte le Stade Français. Je n’aurais jamais imaginé voir la joviale rivalité entre les deux aller jusqu’au fond d’une vallée perdue de l’Ariège !
Enfin à Gestiès, la fête au village se prépare, avec un gros apéro et un repas en plein air. Mais pas de chance, il n’est même pas 11 heures, je n’aurais rien à boire…
Alors tant pis, j’attaque le plat de résistance du jour : 1 100 m de montée d’un trait.
Au col de Gamel (7), un retraité américain m’interpelle. Il monte chercher une copine à lui, Paulette (dont le prénom est grec et pas français, d’après lui), qui l’a appelé en expliquant qu’elle s’était perdue loin du GR. Du coup, me voyant plus rapide, il me confie la mission de la faire attendre si je la croise. Me voilà donc reparti vers la crête, une nouvelle fois en mode Saint-Bernard, chantonnant dans ma tête «Hold on, I’m coming». Autant dire que le taux de montée est à l’avenant…
A défaut de Paulette, je croise un Coréen (du moins le pense-je) qui veut abandonner et me demande où trouver un taxi pour le ramener à un point de contrôle de la course. Je lui parle du village « juste en bas », mais les 30 à 45 minutes de descente lui semblent déjà au-dessus de ses forces. Il continue néanmoins. J’espère qu’il tiendra encore un maximum.
Puis deux français, qui ont bien vu Paulette en bas du col précédent la veille, mais pas depuis.
Enfin je tombe sur une mamie et son chien, qui font un grand tour. Nous bavardons quelques minutes, et je lui parle de mon coréen qui descend. Comme je l’espérais, elle me propose de l’accompagner, ayant route et destination identiques. Ouf, un naufragé randonneur de moins !
Je continue la montée, et j’arrive au Pla de Montcamp.
Toujours pas de Paulette. En revanche, la vue est somptueuse, et l’horaire adéquat, donc je m’arrête pour un pique-nique magnifique, d’autant plus que le sachet fourni par le gîte la veille est plus que copieux.
Mon américain arrive quand je remballe pour repartir. Toujours pas de Paulette. Il m’explique qu’il n’ira pas plus loin, qu’il attendra jusqu’à 18h sur ce belvédère naturel, avant de redescendre pour envoyer des secours pour une «Search & Rescue Party». J’espère bien que cela ne sera pas nécessaire, car je vais bien finir par le croiser, ce petit bout de bonne femme.
Je repars dans l’herbe vers le col du Sasc (9), en prêtant une attention particulière pour ne pas perdre les balises, tout en slalomant au milieu d’un troupeau de chevaux. Voici donc l’endroit dont un concurrent m’a parlé, m’expliquant qu’il avait galéré de nuit dans le brouillard en ne trouvant pas son chemin… Ce qui ne fait que me conforter dans mon interrogation : pourquoi ne pas en avoir profité pour planter la tente et dormir en attendant le jour, au lieu de s’échiner pendant 4 heures et d’y laisser par mal d’énergie ?
Encore un coureur asiatique sur la crête qui initie la descente, qui devient plus marquée.
J’aperçois puis j’entends un couple en train de « bartasser » (expression de Lionel Daudet pour désigner la progression lente et difficile au milieu des fourrés ou des ronces !) en face. Je les hèle : « Ici, le GR, ici…« . Ils font demi-tour, reviennent vers moi.
Je pose mes affaires à la cabane et remonte à leur rencontre.
Ils ont raté une balise de virage, puis la croix indiquant qu’ils ne partaient pas sur le bon chemin. Nous parlons un peu de la course, je leur décris l’itinéraire qui les attend, les encourage et les félicite plusieurs fois, et finalement je laisse Bruno et Catherine (a posteriori je suppose que ce sont eux au vu des temps de pointage de course).
Sans le savoir, ils seront mon dernier contact avec la TransPyrenea.
La fin de l’étape est moins remarquable : un ruisseau, le pont, et ça repart en forte montée. A tel point que je regarde ce qu’en pense le GPS : 30 en moyenne, et jusqu’à 50 % de pente. Je comprends mieux !
En haut, bascule sur un col herbeux, et ça repart pour une longue descente dans la forêt le long de l’eau. Encore une. Mais c’est sympa, varié, à défaut d’être pratique.
Enfin le pont sur l’Aston (11), et la montée vers Beille, que je plie en 1h05 + 0h20 au lieu des 2h20 + 0h35 lues sur le guide.
J’ai cependant le temps de ressasser quelques inquiétudes : toujours pas de Paulette, qui n’est donc pas sur le GR, puisque je ne l’ai pas croisée, et dont je n’ai pas la moindre idée de l’endroit où elle peut se trouver.
Mais également, je n’ai pas croisé de serre-file en fin de course comme je m’y attendais… Bizarre, vous avez dit bizarre ?
Quoi qu’il en soit, voici mon arrivée à moi pour la soirée.
J’aperçois la terrasse du resto où je pourrai me poser, mais je vais d’abord prendre possession de mon… tipi ! En effet, ce soir, c’est escale au village nordique composé de yourtes, de tipis et autres habitats dans le genre. Atypique s’il en est !
Après la douche rapide au moyen d’une grande cruche d’eau chaude, je tente la bière en terrasse. Mais c’est trop tard, le resto est déjà fermé. Snif.
Je me balade donc jusqu’au repas : salade, melon et jambon, lasagnes et tourte aux pommes individuelles, le tout dans une cabane de trappeur et en compagnie d’un autre randonneur solitaire et d’un groupe de 4 cousin(e)s (???) qui fait un petit bout chaque année.
Avant de m’endormir, je lance une flambée dans le poêle à bois. Pas pour le chauffage, mais juste pour la lueur rouge des flammes qui donne une ambiance féerique à tout le tipi. Le top.
L’hébergement : Village Nordique Angaka
Un hébergement atypique, seul en son genre sur tout le parcours, mais qui mérite le détour (et qui d’après sa gérante fonctionne encore plus l’hiver que l’été). Bien sûr, il faut accepter l’ambiance bivouac avec les toilettes sèches (mais il y a également des traditionnelles à 100 mètres au restaurant), la douche solaire au milieu des chevaux, et le repas fourni par le restaurant d’à côté, mais réchauffé au moment puisque le resto n’est ouvert que le midi.
Ceci étant, pour l’ambiance, et pour le petit feu de bois avant le dodo, le tout pour un prix modique, ça vaut largement l’étape.
40 € : 25 € la nuit + 15 € de dîner fourni par le restaurant l’Abeille Gourmande qui est fermé le soir (vu sur le topo-guide).